Fonds Rosario

María del Carmen Sillato (1950, Rosario) est licenciée en Lettres de l'Université de Rosario lorsqu'elle est enlevée le 18 janvier 1977 avec son compagnon Alberto Gómez, tous deux militants de la Jeunesse Péroniste. De la pension où ils vivaient dans la ville de Rosario, ils sont emmenés au Service d'Informations de la Direction de la Police, un centre clandestin de détention et de torture situé en plein centre de la ville, où ils restent en situation de disparus et soumis à des tortures physiques et psychologiques périodiques durant environ trois semaines. Ils sont ensuite reconnus et envoyés, elle à l'Alcaidía de Mujeres au sein même de la Direction de la Police, et son compagnon, à la prison de Coronda.

En avril 1978, une procédure judiciaire est ouverte contre María del Carmen en lien avec la loi 20840 sur la Sécurité Nationale, mais elle est classée sans suite par manque de preuves. Néanmoins, elle est condamnée pour idéologie à cinq ans de prison et à une inhabilitation perpétuelle en tant que citoyenne par la loi 21223. Elle fait appel devant la Chambre de Justice de ce jugement et son affaire est classée sans suite en septembre 1979.

Enceinte au moment de son arrestation, María del Carmen donne naissance à son fils Gabriel le 11 juillet 1977. Le 16 septembre, elle est transférée avec une vingtaine de camarades de l'Alcaidía à la prison de Villa Devoto à Buenos Aires. Elle et une autre camarade ont leurs enfants avec elles. Par une disposition militaire, les prisonnières sont autorisées à rester avec leurs filles/fils nés en prison pendant une période de six mois. En janvier 1978, María del Carmen confie Gabriel à sa mère (la Lela) et l'enfant reste sous sa garde et celle de ses tantes Chary et Ana.

En juillet 1980, María del Carmen est libérée sous surveillance et reste à la disposition du PEN jusqu'en février 1981. En 1982, après que son compagnon a obtenu la liberté, ils reçoivent une invitation du Canada pour un refuge politique dans ce pays. Ils décident d'accepter et émigrent au Canada en mars 1983 avec Gabriel et leur deuxième fils, Marcos.

Au Canada, María del Carmen obtient un doctorat à l'Université de Toronto et est professeure titulaire au Département d'Espagnol et d'Études Latino-Américaines de l'Université de Waterloo jusqu'à sa retraite en 2017. Spécialiste de la littérature latino-américaine contemporaine, elle est l'auteure du livre Juan Gelman: Las estrategias de la otredad. Heteronimia, intertextualidad, traducción (1996). Elle publie également en 2006 son récit testimonial Diálogos de amor contra el silencio. Memorias de prisión, sueños de libertad qui raconte son expérience en tant que prisonnière politique. Le livre inclut un texte/journal écrit par sa sœur Chary qui recueille les expériences de Gabriel après la séparation d'avec sa mère.

À trois reprises (2010, 2013 et 2019), María del Carmen témoigne lors des procès pour crimes contre l'humanité commis par des militaires du deuxième corps d'armée et par des policiers membres de la "patota de Feced".